Les femmes arrivent en ville — Le Droit

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On parle de nous Le 29 octobre 2021

Selon les plus récents sondages, une femme pourrait très bien se retrouver à la tête de la Ville de Gatineau dans quelques jours. Une possible première mairesse qui témoigne bien d’un mouvement marqué de candidatures féminines en hausse aux postes de mairesses ou de conseillères à la grandeur du Québec, en vue des élections municipales du 7 novembre.

«C’est un progrès impressionnant [pour la région]», a lancé Isabelle Cousineau, chargée de projet et des communications à l’Assemblée des groupes de femmes d’interventions régionales (AGIR) Outaouais. «Mais à la grandeur de l’Outaouais, on voit aussi une augmentation vraiment importante.» En effet, selon les chiffres d’AGIR Outaouais, il y a presque 10% plus de femmes candidates à la mairie pour les prochaines élections municipales dans la région, soit 31,7%, comparativement aux élections de 2017. «Normalement chaque année on voit un bond d’un, deux, peut-être 3%. Alors 10%, c’est vraiment [phénoménal].»

D’emblée, vouloir voir plus de femmes mairesses et conseillères municipales, c’est d’abord une question de vouloir obtenir une meilleure représentativité de la société, ajoute Mme Cousineau.

D’autant plus qu’avoir des élues municipales a un réel impact sur les décisions prises, les règlements adoptés ou les motions discutées lors des conseils municipaux, croit Caroline Codsi, présidente et fondatrice de La Gouvernance au Féminin.

«Les femmes, on le sait, vont penser aux enfants, vont penser aux aînés, vont avoir une approche plus positive sur les questions de société que les hommes», explique-t-elle. «C’est nécessaire d’avoir un certain équilibre. […] D’avoir des gens qui ont le même âge, le même genre, la même origine, c’est très dangereux à ce qu’on se retrouve dans des contextes de pensée de groupe qui n’amènent aucune innovation, qui ne laisse pas de place à l’autre.»

Loin de la coupe aux lèvres

Toutefois, il y a un hic. Malgré les proportions de candidates conseillères et mairesses en hausse, la zone paritaire 40/60 (40% de candidates et 60% de candidats) n’est pas toujours à portée de main partout.

Lors des élections municipales de 2017, 205 femmes ont été élues mairesses et plus de 2350 femmes ont été élues à titre de conseillères. «Ça paraît beaucoup, mais ce n’est pas tant que ça. Ça fait 34,5% de conseillères, et ça fait 18,8% de mairesses», note Caroline Codsi.

Selon les données du portrait définitif des candidatures féminines aux élections générales municipales 2021 du Ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, toutes les régions ont néanmoins noté cette année une augmentation de candidatures féminines, tous postes confondus. Cependant, seulement trois régions ont atteint en 2021 la zone de parité 40/60, soit Laval, avec 46,4%, Montréal avec 42% et l’Abitibi-Témiscamingue, avec 40,5% de candidates.

Dans bien des cas, l’hésitation qu’éprouvent encore certaines femmes à se lancer en politique s’explique parle fait qu’elles mettent en doute leurs compétences, qu’elles aient plus de difficulté à concilier vie familiale et vie politique, qu’elles craignent d’être jugées ou encore, que l’horaire de la machine municipale ne leur convient pas dans sa structure actuelle, comme les réunions en soirée, poursuit Mme Codsi. «Elles continuent de penser qu’elles ne sont pas à la hauteur, alors que souvent elles sont plus éduquées et plus formées que les hommes, parce qu’elles ont une sorte de manque de confiance en soi qui font qu’elles vont chercher deux fois plus de formation, elles font beaucoup plus de lectures, d’études, de préparation. Mais elles continuent à hésiter.» D’autant plus qu’avoir plus de candidatures féminines est une chose, mais encore faut-il qu’elles soient élues.

L’effet Plante

Selon Mme Cousineau et Mme Codsi, les femmes qui ont, dans les dernières années, occupé des rôles politiques importants dans tous les paliers ont inspiré d’autres femmes à suivre leurs traces.

Au niveau municipal, l’arrivée de Valérie Plante en 2017 à la tête de la plus grande ville du Québec qu’est Montréal a sans doute pavé une partie du chemin, croit Mme Cousineau. «Je crois que lorsqu’elle a brisé le plafond de verre de la Ville de Montréal, ç’a envoyé un signal fort. Et c’est pour ça qu’on voit d’autres grandes villes où les femmes se disent maintenant ‘’bien pourquoi pas moi‘’ et qu’elles y vont.»

D’ailleurs, les quatre plus grandes villes du Québec, soit Montréal, Québec, Laval et Gatineau, ont toutes la possibilité d’avoir une femme qui les gouverne dès le 7 novembre.

«Cette situation me rend tellement contente», s’est exclamé Caroline St-Hilaire, mairesse de Longueuil de 2009 à 2017 et maintenant analyste politique, entre autres. «Quand j’étais mairesse, j’étais la seule parmi les 10 grandes villes du Québec. Tant mieux si les femmes se présentent dans des postes [de conseillères], mais qu’en plus deviennent mairesses de grandes villes, c’est plus de rayonnement, plus de force. […] Ça devient un poids politique important. Tu peux changer les choses dans ta ville, mais tu peux aussi changer les choses au Québec. C’est porteur d’espoir.»

Maintenant, une des prochaines étapes à franchir est de voir cette représentativité féminine grandissante se transposer en candidates issues de la diversité, qui devraient être beaucoup plus présentes dans l’arène politique municipale, avancent Caroline Codsi et Isabelle Cousineau.

Mais qu’on trouve que les femmes ont fait un pas de géant, ou qu’on trouve qu’elles tirent malheureusement encore de l’arrière, le progrès est tout de même indéniable et il ne peut que se poursuivre.

«C’est un mouvement qui ne retournera tout simplement pas en arrière», conclut Mme Cousineau.

ANI-ROSE DESCHATELETS
Le Droit